• « Les événements du 11 septembre ont mis sur le devant de la scène l'importance vitale du renseignement pour la sécurité d'une nation. Les débats sur l'efficacité du système de renseignement américain ont, à cette occasion, été portés sur la place publique. En France, la question du renseignement a certes déjà fait l'objet d'analyses et de recommandations, mais l'opinion publique et une partie des milieux gouvernementaux considèrent ce domaine avec une certaine appréhension. Il s'agit pourtant d'un domaine d'action situé au cœur de l'action internationale de l'État et qui ne saurait être marginalisé. Si le renseignement lui-même est par nature secret, il n'est pas de raison à ce que son organisation échappe à une analyse de nature publique.
    L'examen de cette fonction doit naturellement être conduit avec prudence. Il faut tenir compte des traditions propres à chaque pays, veiller à ce que ces services soient bien contrôlés et se garder de la tentation de réformes radicales qui induiraient des effets de désorganisation trop prononcés. En particulier, l'idée d'une coordination centralisée de l'activité opérationnelle de ces services, si elle peut paraître rationnelle en théorie, ne saurait vraisemblablement fonctionner en pratique, en tout cas en France. Il reste que des progrès sensibles peuvent être accomplis qui ne nécessitent pas des changements
    Renforcer la coopération
    « La question de la coopération des services de renseignement est centrale dans l'ensemble des pays. La tradition liée à l'histoire, l'efficacité qui requiert une certaine spécialité, la spécificité des méthodes liées à des champs d'intervention et à des techniques différents, la protection des libertés fondamentales expliquent que le pluralisme soit la règle. Trois grands pôles peuvent être le plus souvent distingués : le renseignement à l'extérieur des frontières, le renseignement intérieur et le renseignement militaire. Bien souvent, toutefois, l'objet même du renseignement est identique et les frontières entre l'externe et l'interne sont poreuses. L'assignation à chaque service de missions spécifiques est nécessaire, mais l'échange d'informations et la confrontation des données brutes comme des analyses est vitale. Il convient toutefois de parler de coopération et non de coordination. Celle-ci paraît largement illusoire et, à certains égards, pas toujours souhaitable. Il convient toutefois que les zones de recouvrement des actions soient autant que possible éliminées et qu'une structure d'arbitrage soit mise en place afin de trancher d'éventuels différends ».
    Accroître les facultés et la communauté d'analyse
    « L'exploitation du renseignement gouverne son utilité. C'est par elle que le travail accompli par les services peut être valorisé. Or, celle-ci est insuffisamment faite en France. Elle requiert, en effet, un travail sur le renseignement brut qui suppose à la fois une faculté d'analyse politique, une évaluation de l'information recueillie et une confrontation des différents éléments recueillis auprès des divers fournisseurs de renseignements. La DGSE a ainsi mis en place une direction de la stratégie, qui constitue une sorte de petit CAP [NDLR : centre d'analyse et de prévision] interne. Si cette évolution va dans le bon sens, il faut aller plus loin et se donner les moyens à la fois d'impliquer davantage les collaborateurs directs de la tête de l'exécutif dans la synthèse du renseignement et développer la confrontation des analyses ».
    Développer une culture du renseignement
    « Le constat d'une faible culture du renseignement en France a été fait depuis longtemps. Des évolutions positives se sont toutefois dessinées depuis quelques années : les pouvoirs publics et les acteurs économiques ont pris conscience de l'importance croissante de "l'intelligence économique", qui est l'un des aspects du renseignement ; des enseignements sur le renseignement ont été créés ; plus tragiquement, les événements du 11 septembre 2001, l'attentat ayant visé des ressortissants français à Karachi en mai 2002 et la tuerie de Bali ont montré que le renseignement était vital pour la sécurité intérieure et extérieure. Nul ne peut plus, lorsqu'on évoque les services de renseignement, se cantonner aux épisodes du Rainbow Warrior, de l'affaire Ben Barka ou des opérations de Bob Denard.
    Des progrès déterminants restent toutefois à effectuer. Certains, d'ordre culturel, restent sans doute illusoires à moyen terme : la sensibilité au renseignement des Britanniques, qui dépasse largement les services spécialisés, ne correspond sans doute pas à la mentalité française. D'autres, en revanche, peuvent être accomplis, notamment dans trois domaines : la plus grande proximité de l'exécutif avec les problématiques du renseignement, l'ouverture des carrières du renseignement et la meilleure inclusion du renseignement au sein des préoccupations des postes diplomatiques comme des milieux académiques ».
    Les moyens humains et matériels
    Par ailleurs, dans son avis sur le projet de loi de finances 2007 le député Yves Fromion revient sur les moyens accordés au renseignement en France en évoquant « un effort à amplifier au regard des capacités de nos principaux partenaires », même si les moyens ont été accrus ces dernières années notamment en termes d'effectifs.
    « Si les moyens dont disposent les services de renseignement relevant du ministère de la défense ne sont pas négligeables, force est de constater que leur renforcement n'a pas constitué un objectif de premier rang de la loi de programmation militaire 2003-2008. Pourtant, rares sont ceux qui ne conviennent pas du caractère indispensable d'un renseignement de haute qualité face à l'évolution récente des menaces ainsi qu'à leur complexité croissante. De plus, l'accumulation progressive des missions, particulièrement sensible dans un service généraliste comme la DGSE, limite progressivement la capacité des services, pourtant vitale, à s'adapter aux besoins nouveaux.
    Des efforts substantiels doivent donc être prévus en matière de personnels, la qualité du renseignement d'origine humaine et les capacités d'analyse étant déterminantes. Ils devront être complétés par une politique d'équipement permettant de se doter des moyens nécessaires. A cet égard, on peut relever que la France a réalisé avec succès plusieurs générations de démonstrateurs technologiques d'écoute à partir de l'espace et qu'il serait sans doute avisé de capitaliser cette expérience en définissant un véritable programme en la matière.
    Enfin, même si la coopération à l'échelle européenne en matière de renseignement est essentielle, il ne faut pas perdre de vue que les relations dans ce domaine sont encore fondées sur la capacité à échanger de l'information, selon la vieille règle du "donnant-donnant". Or, la comparaison entre les moyens des services français et ceux de leurs principaux partenaires est de ce point de vue éclairante.
    Pour mémoire, on rappellera que, selon les informations transmises au rapporteur, l'ensemble des services français représente environ 9500 personnes et 753 millions d'euros
    Les capacités des services allemands et, surtout, britanniques apparaissent singulièrement plus étoffées  ».

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