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    Il y a un an et demi, Intelink Actualités dévoilait en exclusivité les nouveaux locaux qu'occuperont ensemble, courant 2007 la DST, les RG et la DNAT. Alors que le projet est confirmé dans les médias grands public, Intelink actualités fait un petit flash-back sur le sujet : Retour début 2006. Exigé et imposé par le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy et la très brillante Martine Monteil - à la tête de la direction centrale de la PJ française - le regroupement dans des locaux uniques de la DST(Direction de la Surveillance du Territoire), des RG (renseignements généraux) et de la DNAT (direction nationale antiterroriste) devrait permettre d'améliorer considérablement la communication entre les différents services et accroître leur efficacité.Plusieurs spécialistes estiment que la réunion de ces 3 services sous un même toit, représente un risque élevé, en terme de sécurité, rendant du coup plus vulnérable à un attentat l'ensemble de ces services. Cependant pour la majorité des autres spécialistes consultés, d'autres services sensibles - comme la DGSE ayant une adresse "publique", n'ayant jamais été la cible d' attaques terroristes , ces analyses ne seraient que le fait d'alarmistes.D'autres estiment qu'il aurait été plus judicieux de regrouper ces services tout en les divisant en plusieurs cellules réparties sur le pays. D'autres encore estiment, qu'au prix de revient des locaux parisiens, il aurait été plus judicieux de mettre en place une telle installation "ailleurs" qu'à Levallois Perret, que ce soit pour des termes de coûts ou de sécurité.On peut également se poser la question, s'il n'aurait pas été plus judicieux, de créer deux nouveaux services de renseignement autonomes, chargés respectivement de la coordination et du partage des informations recueillies par les différents services de renseignement.Nous avons souhaité connaître l'avis de Daniel Martin, consultant et expert auprès de la division Intelink. Daniel Martin , ancien commissaire divisionnaire et chef du DSI à la DST a été le créateur et le responsable du système d'information de la DST. Ayant été successivement, responsable de la sécurité de l' OCDE et intervenant dans le cadre des réunions du G8, il est également le fondateur l' IIHEC (Institut International des Hautes Etudes de la Cybercriminalité). Reconverti dans le privé, il est le fondateur de Martin's Consulting, où il intervient en tant qu'expert pour des grands comptes et institutions comme le conseil de l'Europe ou encore la cour des comptes. C'est un symbole fort qui montre bien la volonté du gouvernement de concentrer les moyens et d'apporter une réponse claire et unifiée face aux défis des terrorismes. Lors des attentats du milieu des années 90, le ministre de l'intérieur de l'époque n'avait pas souhaité effectuer de regroupement de services, estimant que la lutte contre le terrorisme était une mission pour tous les policiers et que le fait de confier spécialement ces tâches à des services spécialisés qui plus est regroupés constituait un risque important de démobilisation des troupes. On sait avec le recul ce que vaut un tel raisonnement ! Le monde a changé et est en perpétuel mouvement. Il s'agit d'adapter les services publics à la réalité et de donner à l'Etat les moyens de lutter à armes égales contre toutes les formes de criminalité. On sait aujourd'hui que les terrorismes (je dis bien au pluriel) sont là pour longtemps et qu'il faut se préparer à un combat permanent. Regrouper les services est une première mesure. Elle s'adresse aussi aux personnels de ces services : en effet, historiquement, une opposition latente et un esprit de clocher prévalaient entre toutes les composantes du dispositif. Les uns critiquaient les autres et souvent vertement. Dépasser les clivages corporatistes est aujourd'hui une priorité. Il faut apprendre à connaître et à respecter les autres. C'est en travaillant ensemble que les services vont apprendre à bénéficier des meilleures pratiques en vigueur. C'est tout bénéfice en terme d'efficacité. Et puis n'oublions pas que nous sommes tous des contribuables et que des économies de grandeur en matière de location ne sont pas à négliger. Plus de sites, c'est autant de dépenses en plus. Mais ce regroupement n'est qu'une première étape. La mutualisation des bâtiments c'est bien, mais encore insuffisant. Il faut oser aller plus loin en mettant en commun des moyens. Pourquoi pas un pool auto commun par exemple? Il est encore trop tôt pour aller très loin, mais pourquoi les moyens de traitement de l'information ne seraient-ils pas partagés. On sait préserver la confidentialité des données en utilisant les nouvelles technologies. Chaque utilisateur peut avoir un profil spécifique qui lui confère un certain nombre de droits d'accès. Les données peuvent être chiffrées et le besoin d'en connaître strictement contrôlé. Ce qui freine : un manque de culture de partage. Il va falloir laisser le temps au temps, mais un jour ou l'autre, c'est bien de partage des connaissances dans des conditions modernes d'efficacité qu'il va falloir parler.Mais ces services, républicains, j'insiste, ne sont pas des officines barbouzardes, elles ont pignon sur rue et sont répertoriés dans les annuaires. Tout le monde peut savoir où elles sont implantées et grâce même à l'Internet et au site "pages jaunes", on y découvre les photos des accès disponibles donc à partir de Téhéran ou de Kaboul et Islamabad. De quoi préparer tout ce qu'on a envie sans même se déplacer. Alors soyons sérieux, un site, çà se protège et à la limite il vaut mieux n'avoir qu'un seul gros point d'implantation pour l'entourer des meilleures mesures de protection. Et en plus, ce sera moins onéreux pour le contribuable que de multiplier les sites ! De toute façons, on sait bien que ces services constituent des cibles et le regroupement ne va rien y changer. Attention, il faut rester sérieux : il ne s'agit pas de faire migrer l'ensemble des services qui bien évidemment ont besoin de rester au contact des populations, là où çà se passe ! mais pour les moyens techniques de soutien, comme par exemple les sites informatiques, rien n'oblige à installer les ordinateurs et les mémoires de masse à proximité immédiate du ministre. L'important c'est d'avoir accès aux données dans les meilleurs délais. Les technologies de l'information et de la communication sont capables de faire des miracles. Aujourd'hui, tout se passe à la vitesse électronique et les frontières ont disparu. Les terroristes ou criminels ont bien compris le phénomène et ils savent s'en servir. Il est temps que l'administration franchisse le cap et exploite correctement ces avancées. Peu importe le point d'implantation d'un site, l'important c'est que les données soient accessibles et en toute sécurité à l'endroit où on en a besoin. Alors l'idée du plateau d'Albion (à l'époque abandonné par les militaires pour cause d'obsolescence du site n'était pas qu'une simple boutade mais au contraire une idée forte. En raison du prix du m2 au centre de Paris, il semblait judicieux de mettre les moyens informatiques dans des zones moins onéreuses et pourquoi pas à la campagne où de plus la sécurité serait plus facile à assumer. Certaines fonctions de réflexion en particulier, comme l'analyse des informations, seraient sans aucun doute mieux assumées dans des conditions de calme et de tranquillité loin des remous ministériels. Je reste persuadé qu'après une période initiale de refus des personnels concernés, ils en redemanderaient une fois testés les avantages du recul. Il reste aussi que l'implantation des sites de secours devrait systématiquement privilégier la campagne. Là encore, je n'y vois que des avantages : coût, sécurité notamment.On doit considérer les principes et la réalité. Commençons par la réalité. Vous savez bien qu'en France, on a bien du mal à effectuer des changements. Et ici, ce ne serait pas un simple changement mais une véritable révolution. Personne ne semble prêt à franchir le cap. D'abord parce que dès qu'on change même un point de détail, on a immédiatement une levée de bouclier des personnels. Pour les principes, il faut aussi tenir compte des phénomènes historiques. On a une tradition qui veut que les services civils et militaires restent séparés. Il en va de la protection des libertés individuelles et du respect de la séparation des pouvoirs. Même une fusion RG/DST plusieurs fois sur la sellette ces dix dernières années semblent faire peur. Quid du directeur qui aurait un tel outil en mains ? Pourtant, il est tout à fait artificiel de faire une distinction entre sécurité intérieure et sécurité extérieure. On sait bien que maintenant, plus on est alerté rapidement, c'est à dire le plus en amont possible, et mieux on peut répondre efficacement aux risques et menaces potentiels. Les signaux faibles, c'est le plus loin possible qu'ils se produisent et qu'il faut les détecter. Alors si déjà un directeur général de la sécurité intérieure fait peur, je ne vous dis pas ce que pourrait inspirer un directeur général de la sécurité globale tout court...Pourtant des outils de contrôle existent. D'ailleurs le ministre de l'intérieur vient de donner son avis favorable à un contrôle parlementaire des services de renseignement lors de la discussion devant le parlement de la loi sur le terrorisme. Une fois encore, ne nous trompons pas de cible : ce ne sont pas les services spécialisés qui sont un danger pour la démocratie, mais bien ceux qui posent des bombes et qui veulent terroriser les populations. La France est un petit pays qui représente 1% de la population mondiale concentrée, pour faire simple et ne pas reprendre l'image de l'hexagone, dans un carré de 1000 Kms de côté. Les distances sont donc bien faibles à l'image de la planète. Même si on tient compte des DOM TOM qui doivent être traités d'une manière et avec une approche particulières. Les moyens de transports ont permis de mettre la plupart des points ou bassins importants de population à quelques heures de la capitale alors que pour se déplacer d'un point à un autre de la banlieue parisienne, on met souvent plus de temps. En fait, Paris, c'est la France, y compris pour nos partenaires et il faut savoir qu'en matière de renseignement, la coopération internationale ou encore mieux, bilatérale ou à partenaires multiples, est incontournable. Alors Paris restera Paris et le siège des services. C'est indispensable. Je poserais le problème dans d'autres termes. Faut-il maintenir partout des services musclés (en gros, l'équivalent en volume des troupes parisiennes) dans nos provinces au risque d'avoir d'un côté des fonctionnaires surchargés à Paris et des agents de l'Etat moins écrasés par leur charge de travail dans des petites villes de province ? Et ne voyez rien de péjoratif dans ces propos. Ne serait-il pas plus intelligent de revenir aux fameuses "Brigades du Tigre" chères à Clémenceau ? Garder une implantation territoriale de type purement locale façon RG de base et Gendarmerie mais conserver pour le renseignement classique et terroriste une véritable structure "antenne relais" capable de préparer dans les meilleures conditions l'arrivée des équipes spécialisées et bien formées de la centrale parisienne. Car ne nous trompons pas, la sécurité c'est un vrai métier et la lutte contre le terrorisme une spécialité qui ne peut pas être partagée par tous les policiers de France. Aujourd'hui, les métiers se spécialisent. Alors donnons au pays les meilleurs moyens pour s'en sortir et donner une réponse pertinente aux menaces réelles.
    Il faut faire preuve d'imagination et ne pas hésiter à bousculer les idées reçues.
    C'est la raison pour laquelle, même si le regroupement des services de renseignement du ministère de l'intérieur dans un site unique est aujourd'hui peu apprécié des personnels, il ne s'agit que d'une première étape. Il va falloir aller plus loin encore et mutualiser plus encore les fonctions communes. J'ai envie de dire apprenons à travailler ensemble, l'autre a souvent pour ne pas dire toujours des facettes enrichissantes. L'addition des compétences est toujours supérieure à la somme arithmétique des cerveaux. Ne soyez pas frileux. Evaluez les performances et adoptez les meilleures pratiques. C'est la seule façon de défendre notre rang et notre culture.

     


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